Opus Haute Définition e-magazine

Alfred Deller

Portrait d’une voix

Harmonia Mundi HMD9909018, Harmonia Mundi Distribution

DVD stéréo / DTS

Grâce à un accident de la nature, Alfred Deller (1912-1979) eut une voix phénoménale ! Il s'aperçut au sortir de l'enfance que sa voix gardait un timbre aigu. Il se forgea seul une technique de contre-ténor étant donné que personne ne put se charger de sa formation vocale, cette tessiture ayant disparu depuis deux siècles. Le compositeur Michael Tippett le remarqua dans les chœurs de la Cathédrale de Canterbury et lui fit faire ses débuts à Londres (1943). Son timbre magnifique, ses libertés avec le rythme et ses modulations raffinées firent merveille. Alfred Deller intégra de 1947 à 1961 les chœurs de la Cathédrale Saint-Paul de Londres, fonda le Deller Consort en 1948 et enregistra son premier disque avec Walter Bergmann en 1949. Interprète inégalé de la musique élisabéthaine et baroque, il s’intéressa aussi à la musique contemporaine. Ainsi Benjamin Britten écrivit-il pour lui le rôle d’Oberon dans Le Songe d'une nuit d’été. Il contribua à la formation de contre-ténors, dont son fils Mark Deller. Parmi ses disciples, il faut citer James Bowman, René Jacobs, Henri Ledroit ou Gérard Lesne. Excusez du peu ! Alfred Deller s’abstenait des vocalises quotidiennes, détestait les répétitions (n’en faisait pas ou très peu) et préférait la spontanéité du concert. Voilà donc un documentaire, sorti des archives de l’INA, absolument merveilleux. Alfred Deller s’y exprime librement parlant de la musique avec une distinction et une élégance rares. Il fait allusion notamment à la disparition de la voix de haute-contre survenue au XIXe siècle à cause de l’apparition du contralto féminin, l’époque voulant des orchestres plus massifs, une musique plus grandiloquente et « ronde ». Voilà donc un DVD qui est une véritable leçon de chant et d’humanité que tout chanteur se doit de posséder dans sa vidéothèque. En prime, ce qui ne gâte rien, ce DVD fournit un CD où sont enregistrés les plus beaux poèmes anglais dont notamment O Solitude (Purcell) et Flow my Tears de John Dowland. Il est dommage que dans ce documentaire les répétitions ne soient pas sous-titrées alors que l’excellent entretien l’est. Allez comprendre !

Yannick Rolandeau

Portrait of a Voice

By a fluke of nature, Alfred Deller (1912-1979) had a phenomenal voice! He realized at the end of his youth that his voice had kept a high-pitched tone. Since this range of voice had disappeared for two centuries, no one could take charge of his vocal training, so he worked on his countertenor technique by himself. The composer Michael Tippett singled him out in the chorus of the Canterbury Cathedral, and gave him his debut in London (1943). His magnificent tone, his liberties with rhythm, and his refined modulations made him a sensation. Alfred Deller was a member of the chorus of Saint Paul’s Cathedral in London between 1947 and 1961, founded the Deller Consort in 1948, and recorded his first disc with Walter Bergmann in 1949. Not just an incomparable interpreter of Elizabethan and Baroque music, he also was interested in contemporary music. Benjamin Britten thus wrote for him the role of Oberon in A Midsummer Night’s Dream. He helped train countertenors such as his son Mark Deller. Among his disciples were James Bowman, René Jacobs, Henri Ledroit and Gérard Lesne. Quite a group! Alfred Deller abstained from vocalizing every day, hated rehearsals (doing none or few), and preferred the spontaneity of the concert. Here then is a documentary retrieved from INA’s vaults, one that is absolutely marvelous. Alfred Deller expresses himself freely, talking about music with rare distinction and elegance. He alludes to the disappearance in the 19th century of the countertenor voice due to the appearance of the feminine contralto. The époque saw more massive orchestras and a music that was more grandiloquent and “round.” Here then is a DVD that is a true lesson in singing and humanity that all singers owe it to themselves to have in their video library. As a bonus, like the cherry on the cake, this DVD also contains a CD on which can be heard the most beautiful of English poems, most notably O Solitude by Henry Purcell and Flow My Tears by John Dowland. It is a pity that in the documentary the rehearsals are not subtitled, whereas the excellent interview is. So it goes.

Translation Lawrence Schulman

Visuel