Ce « théâtre musical » d’après le film Lost Highway de David Lynch, signé Olga Neuwirth nous plonge au cœur d’une conception de l’espace sonore toute particulière dont l’idée première fut la rupture narrative traditionnelle. « Ce qui m’a tout d’abord fascinée, nous dit Olga Neuwirth, hormis le fait que Lost Highway m’ait touchée directement, c’était que Lynch et Gifford tournaient résolument le dos à un récit s’appuyant sur une action qui évolue. L’impossibilité de pouvoir échapper à une situation, ces boucles (temporelles) impitoyables à vous rendre fous, une fois que l’on est embarqué, constituaient le défi majeur sur le plan de la composition. Il s’agissait de démontrer ce voyeurisme parcourant et uniformisant tout. Cet autre regard qui ne renvoie à rien, mais qui constitue un moyen d’expression purement esthétique m’a poussée à réfléchir sur le sens que cela pourrait avoir musicalement puisqu’il s’agit d’un regard porté sur quelque chose qui ne peut être dit ». Le résultat est assez déconcertant et fait invariablement penser à ce que le groupe Pink Floyd entreprenait voici déjà plus de trente ans, dans un système narratif certes différents, mais plus proche de l’humain que ne le fait cette tentative intellectuelle creuse.
Jean-Jacques Millo |