Ce DVD est né des enregistrements que le fils de Toscanini, Walter, a réalisé (150 heures !) et du fait que la famille du chef d’orchestre a autorisé les auteurs du film à utiliser des bandes privées. D’emblée le problème d’enregistrer quelqu’un sans son accord se pose, fut-il Toscanini ! Réalisé par Larry Weinstein et co-écrit par ce dernier et Harvey Sachs, ce documentaire est scénarisé, interprété par des acteurs. Toscanini est joué ici par Barry Jackson (très ressemblant). Si ce côté est agaçant par son principe même, il était difficile de faire écouter des bandes avec seulement des images de concert ou de Toscanini lui-même. Le côté salon et feu de bois n’est pas très heureux et même carrément kitsch. Arturo Toscanini, né en 1867, incarne la figure du commandeur au regard tranchant, à la battue mordante. A 19 ans, à Rio de Janeiro, Toscanini alors violoncelliste, remplace le chef prévu et dirige par coeur Aïda de Verdi. Le jeune chef crée Edmea de Catalani (Turin, 1887), Paillasse de Leoncavallo, La Bohême de Puccini. Il créera ainsi, les Quatre Pièces Sacrées de Verdi (1897) et dirige dès 1895, Richard Wagner. A 31 ans, le directeur musical prend les rennes de La Scala. A 41 ans, Toscanini rejoint le Metropolitan Opera. Il y crée La fille du Far West de Puccini et, en première américaine, Boris Godounov de Moussorsgki. En Italie pendant la guerre, il donne de nombreux concerts pour soutenir l'esprit des troupes (1915). Au moment du fascisme naissant, ses racines républicaines se renforcent. Toscanini refuse de jouer l'hymne mussolinien à la création de Turandot de Puccini en 1926. En 1930 et 1931, il est l'invité du Festival de Bayreuth où il dirige Tannhäuser, Tristan et Parsifal. Entre 1934 et 1937, il dirige au festival de Salzbourg, Falstaff, Fidelio, Les maîtres chanteurs, La Flûte enchantée. Entre 1935 et 1938, il enregistre à Londres avec l'Orchestre symphonique de la BBC des gravures légendaires. Il cesse toute participation à Bayreuth en 1933 quand Hitler prend le pouvoir, et après l'Anschluss (1938), il refuse de jouer à Salzbourg. De retour dans l'Italie libérée, le chef dirige à La Scala et à La Fenice. Il succombe dans son appartement new-yorkais de Riverdale, le 16 janvier 1957. Toscanini raconte notamment comment il a connu Verdi vers la fin de sa vie, mais aussi Puccini dont il dit détester sa musique. Mais il clame sa vénération pour Beethoven et Wagner (compositeur qui le fit renoncer à composer lui-même). Il parle aussi de Mussolini, de Marinetti (ce dernier convainquit Toscanini d’adhérer à son parti). Quand il passa de gauche à droite, il le désapprouva. Toscanini critique Furtwängler de « bouffon opportuniste » pour avoir continué à diriger sous le régime nazi. Un tel documentaire n’est pas assez intéressant par les propos qu’il dévoile, mais en revanche assez horripilant par la forme qu’il propose. Que reste-t-il alors des 150 heures d’enregistrement ? Voilà en tout cas un document de première main que tous les admirateurs de Toscanini ne peuvent manquer. A noter qu’il est préférable de choisir la version anglaise que française, mais sans sous-titres. Bref, au niveau de la finition, ça n’est pas vraiment ça.
Yannick Rolandeau |