La célèbre partition des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski fut un hommage rendu à l’architecte Viktor Hartmann mort en 1873. Ce dernier, ami du Groupe des Cinq et particulièrement de Moussorgski lui-même, fut également une source d’inspiration profonde, comme en témoigne le compositeur : « Les sons et les idées sont suspendus dans l’air, j’en absorbe jusqu’à m’en gaver, et j’ai à peine le temps de les coucher sur papier ». Autre membre du Groupe, Mili Balakirev composa sa fantaisie orchestrale Islamey en 1869. « C’est l’œuvre la plus connu de Balakirev, et la seule qui ait réellement survécu de sa production pianistique, souligne André Lischke. Ceci en dépit de sa difficulté, - qui l’a longtemps fait considérer comme la pièce la plus périlleuse de tout le répertoire (plus tard Ravel, avec le Scarbo de Gaspard de la nuit, relèvera le défi de Balakirev en déclarant vouloir faire encore plus difficile !). Par son style et par son esprit, elle peut se rapprocher de certaines Rhapsodies de Liszt : ce dernier la tenait d’ailleurs en haute estime et la faisait volontiers travailler à ses élèves ». Gaspard de la nuit de Maurice Ravel, chef-d’œuvre visionnaire s’il en fut, est une partition en miroir où le musicien se transforme en poète et le poète en musicien. Un sommet du piano du XXème siècle assurément. Le pianiste Freddy Kempf apporte à ces pages une dimension robuste et énergique, sans pour autant occulter le sens poétique des œuvres. Son discours pourra surprendre mais demeure indéniablement inspiré et, à l’évidence, sous ses doigts, la partition de Balakirev va bien au-delà, en offrant une référence moderne sur support SACD.

Jean-Jacques Millo

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